• La Libération de Nantes ... suite

     Le 12 août 

    Par un entretien téléphonique avec Mr Bernard Mallet, j'avais acquis la certitude qu'aussitôt le départ des Allemands, lui et un certain nombre de personnalités réputées "collaboratrices" seraient arrêtées. Or nous n'étions plus que trois avocats présents en ville, M° Tabart, mon ami Palan et moi. Pour celà j'eus un entretien avec Palan qui soutint que mes informations sur des arrestations étaient fausses. Mais il consentit à m'accompagner chez le Président , Mr Dubost, (dont le fils était à l'équipe du Centre) pour en parler. Le Président pris l'information très au sérieux, et peut-être avait-il reçu d'autres avis mais en tout cas la décision fut prise de faire revenir à Nantes l'ancien Bâtonnier, et mon père réfugié aux Couets. L'exécution m'en revenait et par des relais de poste à poste de la Croix-Rouge, mon message fut porté à mon père par une estafette. Et mes parents se trouvaient rue Crébillon le 12 août.

    Les Allemands avaient quittés définitivement la partie nord de l'agglomération et avec eux sont partis les groupes "doriotistes" et d'autres satellites. Nous avons vu ceux-ci se rassembler en uniforme noir et disparaître.

    Cette nuit du 11 au 12 août, nous avons entendu les bruits de canons, celui des explosions et le crépitement des incendies. Le matin du 12, on m'a montré gravissant les marches du perron de la cour d'Honneur de la Mairie, Mr Constant, qui me dit-on, remplacera Mr Orrion comme Maire de la ville. (Mr Orrion avait l'estime de tous ceux dont il avait partagé le sort à l'Hôtel de Ville).

    La cour d'honneur centralisait beaucoup d'attention. Aux fenêtres de la galerie du premier étage, une personne présentait à la foule les drapeaux qui seront arborés pour l'arrivée des Américains, mais aussitôt retirés, car leurs troupes n'étaient toujours pas entrée en ville. J'avais accepté de bonne grâce des bouts de ruban tricolore que chacun arborait sur ses vêtements, mais que je considérais comme un enfantillage, étant allergique au port d'insigne quel qu'il soit.

    Le premier drapeau ainsi montré, était celui des USA et ma protestation fut vite réprimé par mon voisin Mr Papillon, avoué, qui me conseille d'être plutôt prudent. Vers 11h00 est arrivé le groupe des F.F.I demandant audience à Mr Orrion .../...

    Vers midi deux voitures américaines sont arrivées et la foule s'est précipitée vers eux pour avoir des cigarettes. Les Américains ont demandés à être conduit au pont de Pirmil, en reconnaissance des positions occupées sur l'autre rive du fleuve par les Allemands qui étaient les objectifs de leurs cannoniers. Mr Caillaud m'a désigné pour les y conduire .../... Vers cinq heures de l'après-midi est arrivée le gros de l'armée américaine avec des tanks passant à toute allure; celà avait un air beaucoup plus militaire .../... et nous entendions le soir le miaulement des obus américains qui passaient au-dessus de la ville. L'heure de police était maintenue à 21h, ce qui était fort heureux pour éviter les beuveries nocturnes qui dégénéraient en disputes ... en fait, avant de nous coucher, nous avons vu passer dans la rue déserte, une patrouille de soldats américains chargée de faire respecter le couvre-feu; mais chacun avait manifestement fêté son entrée à Nantes et se pendait au bras d'une fille.

    Après le 12 août

    Jusqu'à ce que les Allemands abandonnent définitivement leurs positions, nous avons tous été, Défense Passive et Croix-Rouge, présent, de jour et comme de nuit; avec notre vie ponctuée par les passages d'avions, les tirs de D.C.A et les obus passant sur nos têtes. Au poste de Dobrée, il a fallu interdire aux équipiers de monter sur la terrasse de la plus haute tour d'où ils aperçevaient la rive sud, car leur présence nous a valu quelques obus allemands sur le quartier. La C.R continue la distribution de lait et la Défense Passive s'affaire au déminage et au désamorcage des bombes. Nous voyons amener à Rosmadeuc les chapelets de mines et les poches de poitrine débordaient de crayons de dynamite : c'étaient pour nous des camarades, .../...Gendron et Tahar ont trouvé la mort. Le dimanche 13 août le quartier Sainte-Croix se trouvait cerné par les F.F.I qui recherchaient des Allemands et des collaborateurs, ... j'ai vu un officier Allemand en uniforme, qui, les bras levés, venait se rendre. Les F.F.I qui étaient aux avants postes de Pirmil face aux Allemands, se sont plaints devant moi d'être trop peu nombreux et jamais relevés.

    Le 15 août, nous avons défilés jusqu'aux tables du Monuments aux Morts où devait se dérouler le salut aux couleurs; j'étais en serre-file de l'équipe de la Croix-Rouge, faisant scander le pas. Nous y avons entendu un discours qui était un appel à l'épuration et à la vengeance. Ont pris la parole, Mr Jacquier, Commissaire de la République pour la Région d'Angers (Michel Debré dit Jacquier), le speaker de Radio-Londres, le Lieutenant de Vaisseau Jean Marin ... Mr Orrion avait été interdit .../..., puis ce fut une manifestation de cris aux "vive Orrion". Archives municipales

    Nous allions connaître de sombres jours, des vengeances pour des causes étrangères à la collaboration. Aux divisions nées du fait de l'occupant allemand allaient s'ajouter d'autres fractures entre Français.

    Le 18, deux officiers canadiens devaient prendre le contrôle de la Défense Passive ... ce 18 août, notre visiteur était le Lieutenant Brandin (nom d'emprunt qui cachait une désinence juive), qui était venu s'entretenir avec mon ami Palan, le futur Secrétaire Général du Préfet, et mon cousin Alexandre Vincent. Brandin venait à Nantes, pour mettre fin à la parution du Phare de la Loire qui avait paru pendant toute la durée de l'occupation, sous contrôle allemand, et qui avait prétendu paraître "libérée" le dimanche 13 août ..., le premier numéro de la "Résistance de l'Ouest", daté du jeudi 17 août, annonce la disparition du Phare (.../...) Le Lieutenant Brandin qui venait de Londres s'imaginait qu'en France occupée, s'était instauré partout un véritable culte au Maréchal Pétain, or nous avions été coupés de Vichy par une sorte de frontière, sonnés par les Allemands puis par les Américains ...

    De cette époque, à la Libération, il nous restaient dans notre salon encore plusieurs centaines de casques datant de 1914-1918 qui ont été remis aux F.F.I.

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