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         L'étoile de David

    J'ignorais l'obligation qui avait été faite aux Juifs de porter une étoile jaune et n'avais aucune notion de ce que pouvais signifier l'Etoile de David. Lorsqu’un matin, place Royale, j'aperçus un couple, déjà âgé, que je savais tenir une boutique dans le centre ville. Il était arrêté au coin de la rue Lapérouse sur le trottoir, face à la place, et portaient l'un et l'autre une étoile jaune bien vue. Il n'y avait personne d'autre sur ce coté de la place et j'ai été frappé par la tristesse grave de leurs deux visages; ils étaient comme deux mannequins dans une vitrine et ne se parlaient pas. Je n'ai jamais vu d'autres personnes ainsi signifiée. Je les ai revus, après la Libération, accoudés à leur fenêtre, rue des Carmes. Je ne sais comment ils avaient survécu entre-temps.

    * Du XIVe au XVIIIe siècle, cette étoile de David fut largement diffusée dans la communauté juive qui en fit un symbole, celui de la Rédemption. Le port de l'étoile fut imposé par les nazis, comme signe d’identification des Juifs, causant la mort de six millions de personnes issues de cette communauté. En savoir plus ...

     

       

     

    Pendant la période d'occupation, en 1943, nous savions que les boutiques et les entreprises appartenant aux juifs avaient été mises sous séquestre. Leur gérance était habituellement confiés aux Arbitres de Commerce, administrateurs judiciaire et Syndics de faillite près le Tribunal de Commerce. Nous avions appris que des confiscations avaient été pratiquées et une association, gérée par deux Français, le C.O.S.O.R, (qu'il ne fallait pas confondre avec le Secours National), occupait à partir de décembre 1943, sur réquisition préfectorale, le grand magasin d'angle (les Papiers Peints Leroy), situé au rez-de-chaussée et appartenant à mon beau-père, situé juste en dessous de notre appartement (.../...). A Noël, le C.O.S.O.R annonçait une distribution de jouets aux enfants de prisonniers; il y eu foule, mais rien n'indiquait qu'ils provenaient des biens confisqués aux Juifs (.../...) 

     

        

         Le S.T.O - le marché noir

    Le bâtonnier nous convoqua tous un jour pour nous faire part des instructions qu'il avait reçu officiellement, au sujet du STO. En fait, on ne voyait pas très bien quelle contribution pourrait nous être demandée à l'effort de l'industrie allemande. Mais il y eu au moins un confrère à paniquer, alors que ses aptitudes le portaient surtout vers les beaux-arts et l'archéologie.

    Pour quelques gens, la municipalité avait permis à beaucoup de jeunes sans travail et proie désignées pour le STO, de s'engager dans des équipes de déblaiement contre rémunération.

    Après  le pillage des magasins, sous les charges de prélèvement au profit de l'Allemagne, de l'inflation des francs d'occupation, peut-être de fausse monnaie profitant aussi bien aux agents des alliés qu'à ceux des occupants, de la déportation en Allemagne de la main-d’œuvre française, du ralentissement de l'activité économique, et sans doute d'autres facteurs, nous avons connu la pénurie, et le marché noir s'est organisé ainsi que le troc : nous avons connu la pénurie et ma mère se privait, car elle ne faisait que renouveler ce qu'elle avait fait à Versailles pendant l'autre guerre, donnant ses cartes de pain aux lycéens et il fallait se fâcher pour limiter ses libéralités. Contre quelques secours juridiques nous avions pu avoir de la viande grâce à un client boûcher. Mme Jouy a un jour fourni des œufs à ma femme; celle-ci est allée en bicyclette jusqu'à Mormaison, où sa famille possédait quelques fermes; elle en revenait sur sa machine surchargée de toute part, avec du beurre, des pâtés, des pois secs, et pédalant à grande-peine les jambes écartées, ce qui attirait l'attention des contrôleurs postés à l'entrée de Nantes à l'affût des revendeurs du marché noir, mais qui laissait passer le ravitaillement familial.

    Les vrais trafiquants, eux, transportaient la viande, soigneusement emballée morceaux par morceaux dans une serviette, le tout placé dans de belles valises plates qu'ils faisaient chargés sur le toit de l'autocar qu'ils empruntaient. J'en ai été un jour le témoin. Beaucoup de personne firent fortune de ce marché là.

     

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