• Notes sur la débacle

    Bref rappel historique du CNRD : La Loire-Inférieure voit une mobilisation sans enthousiasme, espère en la victoire, puis connaît les heures douloureuses de la défaite annoncée. Dès mai 1940, les réfugiés affluent, repoussés par l'avance allemande. Mi-juin, les troupes anglaises débarquées en septembre 1939, refluent et rembarquent à Nantes et à Saint-Nazaire. Le 19 juin, les Allemand occupent Nantes, déclarée « ville ouverte ». Le même jour, à Saint-Nazaire, le cuirassé « Jean Bart », en voie d'achèvement, prend la mer pour gagner Casablanca. Le département s'installe alors dans l'occupation ; rationnement et réquisitions pèsent sur la population qui reçoit des tickets. Le marché noir se développe...

     

    Une fourmilière bousculée

    Les militaires

    La débacle, des troupes anglaises ont séjournées à Nantes - En ville, un soir, j'ai vu passer un camion : les soldats ivres qui encombraient les trottoirs y étaient jetés sans ménagement - Un après-midi chez Decré, un homme en uniforme anglais, allongé sur le sol, parraissait malade et des passants ont voulu le secourir; il est apparu alors qu'il portait une grande croix sur la poitrine. Etait-ce un pasteur ?

    L'Armée anglaise avait un entrepôt important à la Chapelle-sur-Erdre abandonné peu de temps avant l'arrivée des Allemands. Cet entrepôt a été dévasté et pillé par des civils français. Un matin j'ai eu la surprise de voir défiler un régiment français devant le Palais de Justice (des troupes françaises étaient cantonnées autour de Nantes)

    Les réfugiés

    Dans les mois qui ont précédés et suivi la Déclaration de Guerre, nous avons vu arriver à Nantes, venant s'intégrer à une Communauté Israélite très intégrée et estimée, car engagée surtout dans un commerce de qualité, d'autres israélites, peut-être Français, en tout cas parlant notre langue, qui ont commencé par ouvrir des boutiques d'un achalandage modeste... Nos premiers locataires ont été des Roumains, les Polanski, des gens aisés et charmants, qui nous avaient été recommandés par les Worms, ces derniers ayant eux-mêmes replié leurs affaires de Paris à Nantes où ils avaient déjà des intérêts dans les charbonnages et dans l'armement... Bientôt ils ne se sont plus sentis en sécurité à Nantes... et après la guerre nous avons appris qu'ils avaient péri du fait des nazis qui les avaient déportés et que seule une toute jeune fille avait survécu (ce qui pour moi était un dur rappel du sort de ma famille paternelle, en 1793-1794, où un seul jeune garçon, Pierre 3 ans, avait survécu sur toute une famille). Bien des juifs installés à Nantes ont ainsi disparu, victimes de la barbarerie nazi.

    L'armée allemande ayant engagée le fer, les premiers réfugiés civils sont arrivés en gare de Nantes, précédant de peu le défilé des automobiles : Hollandais, Belges, Français s'empressaient alors de franchir la Loire pour foncer jusqu'aux Pyrénées et venir buter sur la frontière fermée du coté Espagnol.

    Une campagne de dénigrement se développait contre les Belges, dont le Roi s'était vu contraindre de capituler, tandis que le gouvernement français s'efforcait d'arrêter l'exode qui entravait les opérations militaires. Bientôt ce serait le passage des parisiens et même celui des bretons. Certains cherchaient à monnayer de l'argenterie contre de l'esssence (.../...). Nous avons hébergé gratuitement de nombreuses familles et la Garenne (sur la route du Chêne à Vertou) était pleine de réfugiés. (chez-nous, veuve Laud de Cambray Fabry de Bruxelles, Biégen d'Anvers, Delaunay de Tourcoin, notre ami James Govare qui fera parti de la Résistance, .../...) Duclert de Neuilly-St-Front, greffier de Paix, qui nous ont expliqués qu'ils avaient vu partir successivement la population civile et les autorités civiles, puis, laissés pour compte par leurs clients, ils n'avaient eu pas le choix que de partir à leur tour; et ils avaient emmennés les vases sacrés de l'église... (il est souvent question dans mon récit de Fortunat Demonceau qui avait quitté la Belgique en 1940 et qui a rendu d'immense services à la famille, et repartis en 1945 en emmenant le cercueil de leur mère, décédée pendant leur séjour, Vertou).

    Nous avons vu également arriver la soeur de mon père, Mère Marie-Thérèse Martineau, religieuse bénédictine du monastère de Saint-Louis du Temple, rue Monsieur à Paris. A Paris, les religieuses avaient d'abord pensé revêtir des vêtements civils, puis devant la rapidité de l'avance allemande, après avoir consommé dans la Chapelle, la réserve d'hosties consacrées, tout le couvent avait pris la route, à pied, dans le cortège des véhicules et des piétons qui s'éloignaient de Paris, dans un ensemble à décrire par un nouveau Callot : "Misères de la Guerre !".

    La vie succède au trop plein

    Ma femme payait son surmenage, du prix pour elle habituel : elle devait s'aliter. Les Guillaume refusait notre accueil et espérait une voiture attelée de chevaux. Mon jeune beau-frère Jacques Baranger après Londres sera finalement engagé dans les F.F.L et se battra en commando en Lybie. Nous recevions des messages transmis par la Croix-Rouge depuis Londres... Michèle Baranger regagnait la propriété la Bergerie en Billiers, et Renée Catrou avec la jeune Anne et ses parents, quittait la Courie en St-Augustin-des-Bois; l'enfant et sa mère enceinte se réfugiaient chez mes parents rue Crébillon. Des cousins fuyant leur propriété de Rieux, avec deux voitures, nous proposaient de nous emmener craignant d'être pris en otage par les Allemands. A Nantes, comme ailleurs, une partie de ceux qui se considérait comme " l'élite ", avaient pris la route.

    (.../...) Marie-Antoinette revêtissait sa blouse et sa cape d'infirmière de la Croix-Rouge, qui devaient, pensait-elle, la faire respecter par les Allemands, et se rendit à l'Hôtel-Dieu. C'est ce mercredi que les Allemands sont entrés en ville, et y ont placardé leurs premières affiches, s'essayant à rassurer la population sur leurs intentions : "Les soldats Allemands sont vos amis". Un avion Français ayant survolé l'Hôtel-Dieu fut pris en chasse par la D.C.A et des éclats de métal sont tombés. A la Garenne, mon beau-père a surpris un soldat français caché dans les bois et lui a procuré des habits civils (.../...).